L'île d'Aix est une petite île de Charente-Maritime, voisine du Fort Boyard et des îles de Ré et d'Oléron.
Son cimetière a ouvert ses portes au début du XIXeme siècle.
A l'époque les batteries militaire de Jamblet face à la mer n'avaient pas l'aspect qu'on leur connait aujourd'hui et les vagues envahissaient les lieux lors des tempêtes.
On y retrouve de nombreuses tombes anciennes, souvent rongées par les conditions climatiques maritimes. Les croix et tout objets en métal y succombent assez rapidement.
Le sol est sec et aride sans beaucoup d'ombre et avec une végétation particulière qui résiste à ce climat un peu hostile.
Parmi les "habitants" des lieux on retrouve beaucoup de membres de familles originaires de l'île qui ont fait son histoire.
Sur plusieurs tombes on peut voir des coquillages et des pierres.
Je ne sais pas si c'est en rapport avec la tradition juive de déposer des pierres plutôt que des fleurs.
Il y a une petite tombe très abimée qui m'a énormément touché et que je garde en mémoire.
Il n'en reste que la base en pierre qui ( je suppose) supportait jadis une croix métallique. Un Jésus en crucifix repose à ses pieds, dévoré lentement par la mousse.
Une tête d'ange ailée semble veiller sur la longue inscription qui nous présente Suzanne, un "ange". Les dates sont difficiles à lire mais on devine qu'elle n'a pas vécu longtemps.
En faisant des recherches sur le cimetière, j'ai trouvé, chose assez improbable, des informations sur elle et sur sa courte existence.
Suzanne Juliette Elisa est née le 06 Juillet 1906 et morte le 1er octobre 1908 chez son grand-père, habitant de l'île. Ses parents s’appelaient Angèle et François.
Les tombes de ses parents et de son grand-père sont juste à côté d'elle . Son père est mort au combat pendant la première guerre mondiale en 1915.
Je crois que j'aurai toujours une certaine affection pour cette petite Suzanne, petite morceau d'histoire lointaine.
J'ai remarqué aussi la présence de plusieurs tombes qui avaient deux stéles, une classique à la tête et une autre aux pieds.
Après recherche je ne sais pas à quoi cela correspond malheureusement.
Trois tombes sont sous le sable.
Plusieurs tombes d’anciens combattants sont disséminées dans le cimetière qui possède également son carré militaire.
Dans cet espace on retrouve les tombes de soldats morts pendant la première guerre.
Les deux tirailleurs sénégalais et le marin français sont morts lors du torpillage de leurs bateaux.
L’histoire des cinq soldats russes est un peu plus complexe et rappelle un épisode de la Grande Guerre.
Par un accord d’échange contre des armes, la Russie enverra en France un régiment de soldat en 1916. La plupart de ses hommes, en quelques sortes sacrifiés pour une nation qui n’est pas la leur, refuseront de combattre en apprenant la révolution Russe. L’armée française ne sachant pas quoi en faire et par peur de contagion dans ses propres rangs, les emprisonna au fort de La Courtine en attente du jugement du tribunal militaire russe, une décision qui ne viendra jamais en raison de la situation politique dans le pays.
Les soldats russes finirent par se rebeller, exigeant légitiment qu’on les renvoi chez eux.
Leur lutte fut violente et à la fin, 81 d’entre eux furent jugés responsable de la mutinerie et envoyés au Fort Liédot à l’île d’Aix. Les autres repartirent au front ou furent envoyé dans des camps de travail en Algérie et au Maroc.
A l’île d’Aix leur condition de détention était spartiate et difficile.
La raison de la mort de 5 d’entre eux ne semble pas très clair. On raconte qu’ils auraient tenté de s’échapper et se seraient noyés, mais il semble plus probable au vue des dates de leurs morts qu’ils aient succombé à la grippe espagnole. D'autres furent envoyé se faire soigner à Rochefort et reposent désormais dans le cimetière militaire de la ville.
Leurs camarades survivants retournèrent en Russie en 1920.
La seule tombe avec le symbole des mains unies.
Il existe aussi quelques tombes carrelées, en pierre ou en carrelage divers.
Dans l'extension du cimetière se trouve une tombe ancienne et isolée dont les inscriptions sont effacées.
Il s'agit de la dernière demeure d'un homme mort lors d'un duel probablement sous le premier empire. A l'époque les duels sont interdits et si vous aviez le malheur d'en mourir, l'église vous interdisait l'entrée au cimetière.
Notre infortuné fut donc inhumé à l'extérieur, près du mur d'enceinte.
Lors de l'agrandissement du lieu, sa tombe se retrouva (oh magie!) dans les lieux, comme si de rien n'était.
Il fallait juste un peu de patience finalement !
J'ai trouvé 3 tombes avec le symbole de l'ancre marine. Elle peut symboliser la vie de marin mais aussi l’espérance.
La plus grande est brisée pour signifier la mort prématurée.
Dans un autre coin on peut retrouver de nombreuses tombes plus anciennes que le cimetière (du 18eme siècle probablement). Il s’agit pour la plupart de dalles longues et étroites qui rappellent la forme d’un cercueil ou d'un sarcophage.
Elles proviennent, m'a-t-on dit, de l’église du village où elles se trouvaient à l’origine.
Une est celle de l’ancien maire de l’île Antoine Demoyre qui était présent lors de la visite de Napoléon et vient d’un terrain privé où il s’était fait inhumé.
La famille Coudein quand à elle possède un tombeau surmonté d'un sarcophage qui peut faire penser à celui de la tombe de Napoléon aux Invalides.
Le capitaine Coudein était en place au Fort de La Rade au moment du départ de l'empereur déchu vers Saint-Helene. Son fils fut quand à lui lieutenant à bord de "La Méduse" qui partit de l'Ile d'Aix et dont on connait la fin tragique par le célèbre tableau de Géricault "Le Radeau de la Méduse".
Un grand merci à l'ancien maire monsieur Chaudet qui m'a gentiment reçu chez lui pour me conter de nombreuses anecdotes sur le cimetière et sur l'île. C'étaient passionnant.
Sources:
- Histoire de l'Île d'Aix de Pierre-Antoine Berniard, Editions J.-M. BORDESSOULES
- Sur le carré militaire de l'île d'Aix:
- Sur la petite Suzanne: Cimetière du Mellois
- Sur la tombe de la famille Coudein: Cimetière du Mellois
- Sur les réfugiés acadiens:
Je ne suis jamais allée sur cette île alors voilà un article passionnant ! Merci d'avoir partagé tout ça, d'autant que les histoires qui peuplent les cimetières sont toutes aussi fascinantes.
RépondreSupprimerJe conseille très fortement la visite de cette île, c'est un petit bijou.
SupprimerLes cimetières parlent de la vie et c'est fascinant quand on arrive à découvrir ces histoires. Plus je fais des recherches et plus c'est passionnant.